Le Chantoir de Comblain-au-Pont – Emile Detaille
Le gouffre de Comblain a été longtemps, non seulement une énigme, mais aussi un endroit duquel on n’aimait pas s’approcher.
Que de fois des parents n’ont-ils pas dit et répété à leurs garçons, hardis et vagabonds : « Surtout, n’allez pas jouer du côté du chantoir! ».
Les adultes eux-mêmes ne s’approchaient que prudemment du trou menaçant, masqué par la végétation. Ils jetaient des pierres dans l’abîme et les écoutaient dévaler et rebondir afin d’avoir une idée relative de sa profondeur.
En 1900, un jeune griffon était tombé dans le chantoir, certains prétendent même qu’il y fut jeté. La pauvre bête n’avait été qu’étourdie et elle se mit à aboyer lugubrement. Cette nouvelle fit le tour du village et parvint aux oreilles de la Comtesse de Stainlein, dame au cœur sensible, présidente de la Société Protectrice des Animaux. Elle demanda à Paul Cornet, de Comblain, connu pour sa hardiesse, de mettre tout en œuvre pour ramener le chien à la surface et ainsi le sauver d’une mort affreuse.
Paul Cornet, aidé de son ami, Noël Balthasar-Simon, et muni d’une corde solide, se laissa lentement glisser dans le gouffre. Malgré la longueur insuffisante de la corde, il parvint à saisir l’animal qu’il plaça sous son bras et le maintint durant toute la remontée.
La Comtesse récompensa cette incroyable prouesse. Et comme Paul Cornet accepta de garder le griffon qu’il avait sauvé, elle intervint encore pour que le chien ne manquât jamais de rien.
Cette première descente dans l’abîme de Comblain ne resta pas sans lendemain. D’éminents géologues procédèrent à leur tour, en 1902, à une descente dans le chantoir.
Au début de 1907, un jeune groupe appelé Les Chercheurs de la Wallonie vint à son tour prospecter l’abîme. Puis la guerre de 1914 éclata …
Il fallut attendre le 14 mai 1925 pour voir réapparaître chez nous les Chercheurs de la Wallonie qui, descendant à l’aide d’une caisse dans les profondeurs de la terre, commencèrent à découvrir toute une série de salles d’une beauté et d’une richesse insoupçonnées.
Sans vouloir trop entrer dans le domaine scientifique, disons quelques mots sur la formation de l’abîme et des salles qui lui font suite.
A l’inverse des autres grottes de Belgique, celles de Comblain-au-Pont se sont formées par le sommet de la masse rocheuse.
L’abîme en fut la première salle, car creusé par les premières infiltrations des eaux du plateau du Raideux. Il ne fut, jadis, en communication avec l’extérieur que par des fissures.
La « bouteille » s’est remplie d’éboulis jusqu’à la base de son col, c’est-à-dire sur une hauteur de près de cinquante mètres et le gouffre, visible sur une profondeur de 22 mètres, en constitue le goulot.
Tandis que se poursuivait le creusement de la première salle, le ruisseau de la surface s’infiltrait en amont dans les fissures du sol calcaire. L’agrandissement de ces fissures permit une absorption toujours plus importante des eaux et bientôt le premier point d’absorption des eaux fut abandonné. Une nouvelle salle se creusa en amont de la première. Par un processus semblable, celle-ci fut à son tour abandonnée par les eaux du ruisseau pour une troisième salle et ainsi de suite.
Jusqu’à présent, on y a notamment retrouvé des ossements de bovidés, de chevaux, de loups modernes et même d’êtres humains.
Source : Echos de Comblain : juin 1955